bernanos histoire d un homme libre

Voirle film en entier: Bernanos compte parmi les grandes figures littéraires du 20ème s Réaliseen 2019 avec son cousin Yves Bernanos, Georges Bernanos, histoire d'un homme libre. + Lire la suite. Intégrer blog. Acheter les livres de cet auteur sur Les Dernières Actualités Voir plus. Kobo Polars : le roman policier du Nord au Sud: Ransom Riggs et Miss Peregrine : dernier tome pour les Enfants particuliers : Rachel Arditi : cosy mystery et magie Lécrivain Georges #Bernanos, grand témoin des événements majeurs du XXe siècle, fut un lanceur d’alerte et un visionnaire. Découvrez ou re-découvrez Découvrez ou re-découvrez France 3 Nord Pas-de-Calais - Georges Bernanos, histoire d'un homme libre Ilpourrait être remplacé par la pose de sabots pour immobiliser le véhicule, ou même la crevaison des 4 pneus!Pour en revenir à cette histoire, pour moi, tous les torts sont à cette bonne femme, qui non seulement se gare n'importe comment, mais en plus laisse sa fille de 10 ans dormir dans sa voiture, et laisse le moteur en marche!Trois infractions très graves Lauteur de La Grande Peur des bien-pensants (1931) était un homme libre à la nuque raide. Dans La Liberté, pour quoi faire ? (1953, posthume), Bernanos développe un discours à la fois crépusculaire et visionnaire sans jamais désespérer. Site De Rencontre Mec A Croquer. " Le monde moderne, c'est nous ! ", s'exclamait Bernanos. Loin de se retrancher de la civilisation dont il condamne le matérialisme, l'écrivain est... Lire la suite 8,96 € Neuf Définitivement indisponible " Le monde moderne, c'est nous ! ", s'exclamait Bernanos. Loin de se retrancher de la civilisation dont il condamne le matérialisme, l'écrivain est sur tous les fronts la guerre d'Espagne, la montée du totalitarisme en Europe, la Deuxième Guerre mondiale. Dans l'univers romanesque qui est le sien, la réalité oscille entre deux pôles, la sainteté et la damnation. Les créatures les plus ordinaires y sont la proie du sacré, et leur aventure personnelle acquiert une dimension qui les dépasse. Mais il n'en va pas autrement dans la vie. Bernanos nous rappelle, à travers ses écrits de combat, que l'Histoire est le lieu où se joue le destin surnaturel de l'homme. " Une parole libre ", libre des modes, des idéologies et des systèmes, tel est ce que l'écrivain revendique, afin d'accomplir sa vocation d'éveilleur. Date de parution 20/10/1998 Editeur Collection ISBN 2-220-04296-0 EAN 9782220042961 Format Poche Nb. de pages 90 pages Poids Kg Dimensions 10,7 cm × 17,6 cm × 0,9 cm Biographie de Claire Daudin Normalienne, Claire DAUDIN a consacré sa thèse à Péguy et Bernanos. Elle est l'auteur de Alcools d'Apollinaire, aux éditions Bréal 1998. Jour d’hiver, 1922. Un café de gare banal, quelque part dans l’est de la France. Dans un coin de la salle, un homme est attablé et écrit sur un petit cahier d’écolier. Le geste de la main est vif, visiblement guidé par une impulsion intérieure, qui concentre les traits de son visage. Mais de temps à autre, l’homme relève la tête et s’abîme dans la contemplation de ceux qui l’entourent un ivrogne qui s’attarde au bar, une mère qui berce son enfant, un couple en pleine dispute, une serveuse qui sourit malgré sa fatigue… Ce qu’il capte, absorbe comme un buvard, par une attention délicate et soutenue, c’est la vie des hommes et des femmes, leur inlassable effort pour y a un siècle, Georges Bernanos n’est pas encore un écrivain reconnu. Il est alors employé de la compagnie d’assurances La Nationale, pour laquelle il sillonne les départements de l’est de l’Hexagone. Entre deux rendez-vous, il écrit dans les bistrots et les restaurants – une habitude qu’il gardera toute sa vie –, ce qui deviendra son premier roman, Sous le soleil de Satan, publié en 1926.→ CRITIQUE. Georges Bernanos », de François Angelier une plume tendue entre terre et cielTravailler dans les assurances, voilà ce que l’on peut appeler un contre-emploi pour cet homme fougueux, qui déteste la sécurité et le confort. Ce gagne-pain lui donne le sentiment de gâcher sa vie, mais il l’a accepté en 1919 pour subvenir aux besoins de sa famille. Avant la guerre, à l’issue de ses études de droit et de lettres, le jeune homme alors journaliste avait brillé dans la presse monarchiste à Paris, puis à tempétueux et même bagarreur, il s’était fait remarquer par ses coups d’éclat aux côtés des Camelots du roi, le mouvement nationaliste et antirépublicain de Charles Maurras. Mais les cinq ans qu’il vient de passer au front l’ont changé. Les combats de rue, les controverses faciles et le dandysme maurrassien ne l’intéressent Georges Bernanos, vers 1930. / Henri Martinie/© Henri Martinie / Roger-Violle Bernanos est entré en écriture comme d’autres entrent dans les ordres. Avec le même sentiment d’un appel reçu et la même radicalité. Sa décision sourd du traumatisme du premier conflit mondial encore fumant, dans lequel il a été pris comme tous ceux de sa génération. Au front, il a fait l’expérience de l’oisiveté et de l’ennui, mais aussi du feu meurtrier et de la déréliction dans l’angoisse pleine et entière » de la guerre, il a lu Péguy et Bloy. Sa foi catholique, ardente depuis l’enfance, s’est émondée. L’expérience du naufrage est aussi celle de la présence absente de Dieu. Dieu seul peut débrouiller ce chaos de sacrifices surhumains, de blasphèmes et d’adorations, de haine et d’amour », écrit-il dans une lettre, en remède spirituelDémobilisé en 1919, Bernanos revient, blessé et décoré, dans une société fébrile qui s’enivre de divertissements pour oublier la tragédie et dégrade le sacrifice de sa jeunesse en pompes commémoratives ou en arguments politiciens. Écœuré par l’hypocrisie de l’arrière et les mensonges d’État, par la violence inégalée d’une guerre industrielle, Bernanos veut s’engager dans une contre-offensive à cette déroute que la crise que traverse la France est spirituelle, il lui cherche un remède de même nature. Ce que tant d’imbéciles tiennent pour des nuées creuses, la justice, l’honneur, la foi, je les tiens pour des vivants plus vivants qu’eux », avait-il constaté au front. Bernanos se met à écrire pour racheter le langage défiguré par la propagande. Il ne veut pas parler de l’espérance avec un langage corrompu, souligne François Angelier, auteur d’une récente biographie sur l’écrivain 1. Le mot “esprit” fait partie des mots qu’il a tenté de racheter, comme “courage”, “honneur”, “sainteté” ou “sacrifice”… Tous ces termes utilisés par les communicants et les publicitaires pendant la Première Guerre mondiale, il veut les rendre à la langue. » Dialogues des carmélites de Francis Poulenc », est la première adaptation française à l’opéra du roman de Bernanos, le 30 octobre 2004 à l’Opéra Bastille, Paris. / Colette Masson / Roger-Violle La mort, Bernanos l’a côtoyée sous les drapeaux, mais ce n’est pas leur première rencontre. Depuis l’adolescence, cette pensée angoissée accompagne son quotidien. Ce n’est pas que son enfance ait été malheureuse, ni traumatisante, au contraire. Né à Paris en 1888, il a grandi dans la sécurité et l’affection, entouré d’un père tapissier-décorateur dont les affaires auprès d’une clientèle aristocratique marchent fort bien, et d’une mère dont il louera la douceur et la la belle propriété familiale de Fressin, dans la campagne de l’Artois, résidence secondaire puis principale des Bernanos, le petit Georges a connu le confort de la vie bourgeoise et vécu avec intensité les plaisirs de la vie au grand air. Ce monde rural encore sauvage, peuplé de paysans et de prêtres en soutane, constituera le panorama de ses futurs romans.→ CRITIQUE. Georges Bernanos, prophète pour notre temps », par Mgr Patrick ChauvetCette jeunesse heureuse, qui restera la boussole de sa vie, est pourtant assombrie par une santé fragile et des épisodes maladifs récurrents. S’éveille tôt en lui le profond sentiment de l’impermanence des choses. Depuis longtemps – à cause de la jeunesse maladive et des précautions qu’on me faisait prendre – je crains la mort, et par malheur, peut-être mon ange gardien dirait-il par bonheur, j’y pense toujours. La plus petite indisposition me semble le prélude de cette dernière maladie dont j’ai si peur », écrit-il à un professeur devenu confident, à 17 de l’âme humaineLa mort va hanter toutes les fictions de Bernanos, depuis Sous le soleil de Satan, succès immense qui le propulse sur le devant de la scène littéraire, jusqu’aux Dialogues des carmélites, texte publié à titre posthume en 1949, où la peur de la mort est surmontée dans le don de y prend des formes variées – le crime, le suicide, la mort de l’innocent, la mort sacrificielle… –, mais porte toujours le même scandale de l’arrachement au monde, que l’auteur aime profondément. J’ignore si la vie m’aime, mais le bon Dieu m’a fait la grâce de bien aimer la vie, la vie que les imbéciles parcourent à toute vitesse, sans prendre le temps de la regarder, la vie pleine de secrets admirables qu’elle met à la disposition de tous, et que personne ne lui demande jamais », écrira-t-il à la fin de ses jours.→ À LIRE. La Plume et le goupillon » écrivain catho, quèsaco ?Peintre de l’âme humaine, Bernanos déploie dans ses romans un imaginaire tourmenté, où le nuancier des ombres semble infini. Il fait surgir des campagnes nocturnes, où les hommes s’enlisent dans la boue de leurs rancœurs et de leurs rêves déçus, compose des intérieurs bourgeois où ils guettent leur vain reflet dans les miroirs des mondanités. Entre ciel et terre, il dresse une scène pour raconter l’épopée de l’humanité confrontée à la souffrance, à la malveillance, au mépris, mais où un geste de compassion, un regard, une présence, peuvent fendre les ténèbres, et faire briller une lumière film Le journal d' un cure de campagne », d'après Georges Bernanos, réalisé par Robert Bresson, avec Claude Laydu et Nicole Ladmiral, est sorti en 1951. / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA C’est sous le signe de la défaite que s’avance la cohorte humaine, et c’est pourquoi l’espérance est la grande affaire de l’œuvre de Bernanos. Une espérance qui n’a rien à voir avec l’optimisme, que l’écrivain moque, méprisant ceux qui font profession d’optimisme sous prétexte qu’il ne faut décourager personne », renvoyant dos à dos l’optimiste, imbécile heureux » et le pessimiste, imbécile malheureux ». Chez Bernanos, l’espérance n’est pas une bouffée d’air qui arrive en ouvrant la fenêtre, elle se conquiert par une traversée des apparences, souligne François Angelier. C’est un voyage au bout de la nuit, mais pour Bernanos une aurore se lève au bout de la nuit. Le paradis est derrière des murs. On y arrive couverts de gravats, après avoir percé le désespoir. »Écrivain de l’espéranceL’espérance ne prend réellement consistance que par le contraste de ce à quoi elle s’oppose la désespérance. Il faut avoir touché le fond de la désespérance pour pouvoir espérer, avoir touché cette humiliation souvent partagée par les hommes et les femmes, hier comme aujourd’hui », complète le père François Marxer, professeur d’histoire de la spiritualité et de théologie spirituelle au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris. Chez Bernanos comme chez saint Paul, la création est prise dans les tourments d’un gigantesque accouchement. C’est là qu’intervient l’espérance on n’espère que parce qu’on ne sait pas vers quoi l’on va. Si on le savait, il n’y aurait pas à espérer. L’espérance est alors la confiance en une promesse, celle que “Rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ” Rm 8,35. »Dans le jeu des forces qui travaillent le monde, peu d’écrivains auront comme lui pris part aux combats de leur temps pour défendre la dignité de l’homme, avec une liberté qui le rend inclassable sur l’échiquier politique. En 1932, il formalise son opposition au monde bourgeois et capitaliste, sa hantise du conformisme et de la société technique dans La Grande Peur des vivre à Majorque en 1934, il assiste à la guerre civile espagnole et à la répression des troupes franquistes, qu’il dénonce avec courage et dont il témoignera dans Les Grands Cimetières sous la lune 1938. Parallèlement, il s’oppose très tôt au fascisme italien et au nazisme. Avec son départ pour le Brésil en 1938, son regard ne perd rien en acuité malgré la distance. Il s’alarme des reculades devant Hitler et conspue l’esprit de Munich ». Apprenant avec horreur la capitulation de la France et la signature de l’armistice en juin 1940, il condamne immédiatement le régime de Vichy et prend le parti de De Gaulle. Mouchette », de Robert Bresson avec Nadine Nortier, sorti en 1967, est l’adaptation du roman de Bernanos Nouvelle histoire de Mouchette ». / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA Célébré comme l’une des grandes voix de la Résistance après-guerre, Bernanos aurait pu rentrer dans le rang, jouir des honneurs. Dans la droite ligne de ses précédentes batailles, un autre combat va pourtant s’imposer à lui. Au lendemain de Hiroshima et alors que l’american way of life s’annonce comme le nouvel horizon de la France, l’écrivain pressent l’avènement de la civilisation des Machines », celle d’un totalitarisme capitaliste et technique, qui soumet tout à la logique du profit, de l’efficience et du rendement, au culte de la vitesse et de l’argent. Resté fidèle à une vision idéalisée de la monarchie, Bernanos critique la démocratie comme un bouclier ridicule face à ce danger, raille la naïveté des anciens résistants, et notamment des ses propos ne manquent pas d’outrances, celles-ci sont à la hauteur de son inquiétude et de sa déception de voir les Français ne sortir d’une imposture que pour rentrer dans une autre ». Quoi qu’il en soit, l’avenir lui paraît ténébreux. L’État technique n’aura demain qu’un seul ennemi “l’homme qui ne fait pas comme tout le monde” – ou encore “l’homme qui a du temps à perdre” – ou plus simplement si vous voulez “l’homme qui croit à autre chose qu’à la Technique” », alerte-t-il dans La France contre les prophète radical Dans la critique de la société technicienne, Bernanos précède le cortège des Ellul, Charbonneau, Günther Anders et tous les autres », analyse François Angelier. À relire ses derniers écrits aujourd’hui, c’est la voix d’un prophète, avec sa radicalité, que l’on entend. Rien du monde moderne n’échappe aux foudres de Bernanos, au point qu’on a pu lui reprocher de céder à la tentation du désespoir, qui suinte aussi de son dernier roman Monsieur Ouine 1946.L’écrivain est convaincu que la réponse est spirituelle, or il constate que le monde se déspiritualise. Il attend une Église des Béatitudes, marqué du sceau de la justice et de la pauvreté, et son Église ne cesse de se compromettre avec les puissants. N’y aurait-il pas de quoi perdre courage ? Pourtant sous la surface des choses, il y a une profondeur où Dieu travaille, il y a une endurance de Dieu, qui ne s’avoue jamais vaincu, même s’il se heurte à beaucoup de refus et surtout d’indifférence, souligne le père François Marxer. Bernanos émet une protestation presque rageuse contre la lâcheté des hiérarques ecclésiastiques, mais il croit à la petite bonté des petites gens, à la sainteté qui s’ignore. »Gérard Depardieu incarne l’abbé Donissan dans Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat, sorti en 1987. Pour l’écrivain, surtout, Dieu n’est pas prisonnier de l’Église et son amour emprunte dans le monde des chemins toujours inattendus. Bernanos n’est pas clérical du tout. Il croit aux valeurs de justice, de charité, d’égalité et celui qui s’engage pour ces valeurs se conduit à ses yeux en chrétien, qu’il le sache ou non », complète Monique Gosselin-Noat, professeure honoraire des universités, spécialiste de l’œuvre de Bernanos. Ainsi, Bernanos est convaincu qu’il y a des forces surnaturelles en marche partout, qui travaille le monde comme le levain dans la pâte. »Inquiétants, véhéments, ses derniers écrits sont toujours portés par son immense tendresse pour l’humanité et par son absolue fidélité à ses convictions. Bernanos a tout sacrifié – sa famille, son confort, sa carrière… – aux vérités dont il s’est voulu le serviteur, rappelle François Angelier. Il n’y a chez lui aucune porte dérobée. »Si l’écrivain dénonce compromis et compromissions, comme un briseur d’idoles, c’est parce qu’il ne renonce pas à transmettre le feu de l’Évangile. Si nous venons à bout de notre tâche, ceux pour qui nous sommes nés et qui ne sont pas encore tireront de nos doutes leurs certitudes, car de cette tentation du désespoir, qui forme la trame de nos vies, le temps fera jaillir une nouvelle source d’espérance », avait-il confié à un ami, en 1937. À nous donc, il espère transmettre le courage de créer ».Se laisser aimanter par la libertéUn souffle parcourt les écrits de Bernanos, celui de la liberté. Elle est la boussole de ses engagements, de ses indignations mais aussi l’horizon vers lequel il ne cesse de marcher. La liberté est pour lui enracinée dans la foi chrétienne l’homme, image d’un Dieu d’amour, a été créé pour la liberté, car l’amour sans la liberté ne peut exister. L’amour est un choix libre ou il n’est rien », résume-t-il d’un trait dans La Liberté, pour quoi faire ?.Toute son œuvre fait écho à la Lettre aux Galates, où l’apôtre Paul proclame C’est pour la liberté que le Christ nous a affranchis » Ga 5,1. La liberté vient du Christ, qui a brisé les chaînes – la fatalité des vies manquées, perdues, le destin, fatum –, toutes les fatalités ensemble, celles du sang, de la race, des habitudes, et celles encore de nos erreurs ou de nos fautes » Les Enfants humiliés. Bernanos vient d’un monde philosophique où on insistait beaucoup sur le déterminisme déterminisme des lois physiques, de l’espèce, de la race, qui a pour lui le sens de l’ensemble social dont on est issu, rappelle Monique Gosselin-Noat. Lui affirme le caractère central de la liberté. » L’écrivain n’ignore pas que la liberté est toujours entravée, prisonnière, étouffée, mais elle n’est pour lui jamais réduite à néant. J’ignore quelle est ma part de liberté, grande ou petite. Je crois seulement que Dieu m’en a laissé ce qu’il faut pour que je la remette un jour entre ses mains », fait-il dire à son héros, le curé d’Ambricourt, dans Journal d’un curé de l’encontre d’un christianisme moutonnier ou conformiste, Bernanos croit à la grandeur de la liberté individuelle. Le souci de cette liberté se place pour lui au cœur de la vie chrétienne, avant même toute question de morale. Il ne s’agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux ou si même elle les rend moraux. Il ne s’agit pas de savoir si elle favorise plutôt le mal que le bien, car Dieu est maître du Mal comme du Bien. Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme », écrit-il dans La France contre les que les autorités religieuses concentrent leurs regards sur les péchés sexuels, le péché de servitude lui paraît bien plus redoutable. Le vice de servitude va aussi profond dans l’homme que celui de la luxure, et peut-être que les deux ne font qu’un. » Sur les plans religieux et politique, la liberté n’est jamais une question abstraite. Elle doit être mise en œuvre, car on perd la liberté, faute de s’en servir » La France contre les robots.Retrouver l’esprit d’enfancePour Bernanos, l’espérance a un visage d’enfant. On retrouve dans ses écrits les traces de pas de la petite fille espérance » célébrée par Charles Péguy, cette petite fille de rien du tout … qui traversera les mondes révolus » 2. L’enfant est un maître, par la confiance qu’il sait accorder, par sa sincérité, sa générosité, sa simplicité, son audace, autant de traits qui caractérisent à ses yeux la vie spirituelle et son esprit d’enfance ». L’esprit d’enfance, c’est un esprit d’abandon à Dieu, comme l’enfant fait confiance à sa mère, sans trop penser au lendemain. C’est la simplicité au sens fort du terme, explique Monique Gosselin-Noat. C’est le refus de trop organiser sa vie, de la prendre trop en main. En même temps, ce n’est pas un éloge de l’imprévoyance. Ce n’est pas du tout jouer à l’enfant. »Il n’y a pas de nostalgie chez Bernanos, ni de regret d’une enfance perdue. Pour lui, l’enfant ne s’efface pas mais demeure en chacun. Dissimulé en la plupart des hommes, il ne demeure visible que chez les saints. Retrouver le chemin de l’espérance consiste donc à retrouver l’enfant en soi et à lui rester est toujours un gardien de l’espérance, car il conserve le secret de la vie l’amour donné. Lorsqu’on se retourne vers sa propre enfance, qu’on l’appelle de loin, si las non de vivre mais d’avoir vécu, elle nous répond de sa voix douce “Il n’y a qu’une erreur et qu’un malheur au monde, c’est de ne pas savoir assez aimer” », écrit-il dans Nous autres français. L’univers bernanossien ne se répartit pas entre les bons et les méchants, mais, ce qui est tout différent, entre les saints, qui ont gardé la fidélité à l’enfance, et les malheureux qui l’ont perdue. D’un côté les puissances d’amour, où se manifeste la survie de l’esprit d’enfance ; de l’autre côté, l’impuissance à aimer », commente Albert Béguin, directeur de la revue Esprit 1950-1957, qui fut son ami et l’un de ses premiers saints que Bernanos préfère sont ceux qui sont restés enfants François d’Assise, Jeanne d’Arc, Thérèse de Lisieux, Charles de Foucault… La Vierge Marie, elle-même, est présentée par le curé de Torcy, dans Journal d’un curé de campagne, comme la petite fille » du genre humain. Dans ses romans, les personnages qui s’approchent le plus de la sainteté – Donissan, Chevance, le curé d’Ambricourt, Chantal de Clergerie… – sont des êtres restés enfants, sans habileté, sans imposture, sans l’honneurSous la plume de Bernanos, il n’y a pas d’espérance possible sans honneur, mais que faut-il entendre exactement par ce mot qui sonne aujourd’hui si vieille France » ? L’honneur n’a rien à voir avec les titres et les décorations qui manifestent l’honneur social – l’écrivain a d’ailleurs refusé quatre fois la Légion d’honneur, au motif que les gens d’honneur ne sont pas légion », un fauteuil à l’Académie française, parce qu’ il y a des vérités qu’on ne saurait dire ni même écrire en habit de carnaval ». L’honneur tel que Bernanos l’envisage est ce qui fait qu’on peut s’estimer légitimement soi-même, alors que la haine de soi est toujours le signe de l’enfer. L’honneur, pour Bernanos, c’est l’estime de soi, le respect des valeurs qui sont importantes pour soi. Une fidélité aux valeurs qu’on a cru devoir élire. Mais cette fidélité ne peut être totale que si on fait confiance à Dieu, indique Monique Gosselin-Noat. Toute rigidité pour rester fidèle à des valeurs vous écarte du droit chemin. »L’honneur a indéniablement, chez Bernanos le monarchiste, des accents chevaleresques. Ses figures historiques sont Jeanne d’Arc, le général de Gaulle et les insurgés de juin 1940, mais l’honneur s’incarne tout autant dans les fidélités les plus quotidiennes. Il n’est pas le fait des héros, mais celui des saints, qui cherchent non pas à dépasser la condition humaine, mais à l’assumer jusqu’au bout, à l’image du Christ. Au contraire, le diable, voyez-vous, c’est l’ami qui ne reste jamais jusqu’au bout », écrit-il dans Monsieur manquer d’honneur ne condamne pas nécessairement. Car le salut ne se joue pas simplement sur le plan individuel. C’est un drame collectif, où les êtres sont unis les uns aux autres. Bernanos croit en la communion des saints, qu’il envisage comme une solidarité entre humains, par laquelle les mérites des uns peuvent venir pallier les faiblesses des réseau de liens invisibles est une source d’espérance, car de mystérieux échanges peuvent ainsi avoir lieu, comme entre Mouchette la criminelle et le curé de Lumbres dans Sous le soleil de Satan, entre l’abbé Chevance et la petite Chantal dans La Joie, entre Blanche de la Force et la prieure Mme de Croissy dans Dialogues des carmélites. On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ? » questionne Bernanos dans cette œuvre la source intérieureBernanos en est convaincu, la vie intérieure est une nécessité pour l’homme. Ni le scientisme, ni le rationalisme, ni le psychologisme ne peuvent apporter de réponses convaincantes au mystère de sa destinée, à l’affrontement du bien et du mal qui le déchire, à l’angoisse de la mort qui le tenaille, à la délivrance qu’il peut bien étouffer en lui la vie intérieure, elle demeure présente, telle une source cachée dans les profondeurs de son être que rien ne peut empêcher de sourdre. Dans La Liberté, pour quoi faire ?, il décrit cette source avec lyrisme Elle est là en chacun de nous, la citerne ouverte sur le ciel. Sans doute, la surface en est encombrée de débris, de branches brisées, de feuilles mortes, d’où monte parfois une odeur de mort. … Mais au-dessous de cette couche malsaine, l’eau est tout de suite si limpide et si pure ! Encore un peu plus profond, et l’âme se trouve dans son élément natal …. La foi que quelques-uns d’entre vous se plaignent de ne pas connaître, elle est en eux, elle remplit leur vie intérieure, elle est cette vie intérieure même par quoi tout homme, riche ou pauvre, ignorant ou savant, peut prendre contact avec le divin, c’est-à-dire avec l’amour universel, dont la création tout entière n’est que le jaillissement inépuisable. »Aussi importe-t-il pour chacun de descendre en ce lieu intime, alors que le péché nous fait vivre à la surface de nous-même » journal, 24 janvier 1948. Bernanos lui-même était un homme de prière, allant à la messe chaque jour et récitant le bréviaire seul quand il était empêché d’y à cette source est toujours l’objet d’un combat spirituel et l’effort est encore plus important à fournir dans la société technicienne », régie par des logiques de rendement, de profit et de vitesse, contraires à la vie spirituelle. La société moderne conspire » contre cette vie intérieure avec son activité délirante, son furieux besoin de distraction et cette abominable dissipation d’énergies spirituelles dégradées » La Liberté, pour quoi faire ?.Sous la pression de la vie moderne, la vie intérieure prend progressivement un caractère anormal » et risque d’être remplacée par un vague retour sur soi la seule espèce de vie intérieure que le Technicien pourrait permettre serait tout juste celle nécessaire à une modeste introspection, contrôlée par le médecin, afin de développer l’optimisme », grince l’ fier à la pauvretéLa pauvreté, Bernanos n’en parle pas de loin, en amateur, en curieux » – comme il prend soin de le préciser dans Les Enfants humiliés – mais en connaissance de cause. Toute sa vie, il a refusé non seulement le culte de l’argent, mais aussi d’ordonner ses choix au confort de la vie matérielle. Il en aura payé le prix. À de nombreuses reprises, sa correspondance évoque les affres dans lesquels sa décision de vivre de sa plume, sans se compromettre dans des publications secondaires alimentaires, l’aura plongé avec sa Bernanos, la pauvreté n’est pas la misère, qui est un mal qui tue les hommes au fond de leur solitude, à la manière de la dysenterie, de la fièvre ou du typhus », constate l’écrivain, en 1940, du fond de ses terres brésiliennes. Considérée positivement, la pauvreté signale une vie placée sous le signe de l’Esprit et non de l’avoir. Celui qui est pauvre – dans l’ordre de la pauvreté », les degrés sont variés – ne compte pas sur lui-même, ne prétend pas maîtriser le pauvreté peut alors être une libératrice et une protectrice. La pauvreté m’a beaucoup moins imposé d’épreuves qu’épargné de sottises, et si les pauvres – je dis les pauvres, non pas les misérables, hélas ! – voulaient être sincères, ils reconnaîtraient comme moi que leur Pauvreté en agit de même avec eux, qu’elle est la merveilleuse et gracieuse intendante non de leurs biens, mais de leur vie », témoigne le monde moderne, la pauvreté est un défi lancé au culte idolâtre de l’argent. Dès lors, l’espérance est liée au sort des pauvres, qui sont les pierres d’achoppement d’une société de l’efficacité et de l’avoir. L’espérance est au cœur de la patience des pauvres », souligne Monique Gosselin-Noat. C’est à eux que l’écrivain remet le salut du monde, car eux seuls n’ont pas perdu l’habitude de l’espérance dans un monde de désespérés ». Le reste du monde désire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espérer, parce qu’il n’a ni patience, ni honneur, il ne veut que jouir et la jouissance ne saurait attendre ; l’attente de la jouissance ne peut s’appeler une espérance, ce serait plutôt un délire, une agonie. L’espérance est une nourriture trop douce pour l’ambitieux, elle risquerait d’attendrir son cœur. Le monde moderne n’a pas le temps d’espérer, ni d’aimer, ni de rêver. Ce sont les pauvres qui espèrent à sa place », écrit Bernanos dans Les Enfants humiliés. 1 Georges Bernanos. La colère et la grâce, Seuil, 640 p., 25 €2 Le Porche du mystère de la deuxième vertu, Gallimard, 192 p.,10,60 € Carte mentaleÉlargissez votre recherche dans UniversalisFigure emblématique de l'écrivain catholique au xxe siècle – avec Claudel et Mauriac –, Bernanos ne saurait relever d'une école littéraire ou d'une tendance politique univoque. Si ses premiers romans Sous le soleil de Satan, L'Imposture, La Joie s'insèrent, par leur écriture, dans la tradition balzacienne, ils n'en dépassent pas moins les structures romanesques du xixe siècle en y introduisant l'univers du surnaturel, tandis que Monsieur Ouine semble préfigurer les recherches du nouveau à l'histoire contemporaine, les différentes prises de position de son œuvre politique, au premier abord contradictoires, imposent l'image d'un homme anticonformiste, libre de toute allégeance à une hiérarchie catholique ou à un mouvement politique l'Action française. Admirateur de Drumont, qu'il appelle son vieux maître », Bernanos récuse l'antisémitisme d'Hitler. Fervent catholique, il fustige l'Église espagnole pour son comportement pendant la guerre d'Espagne. Adepte de Maurras, il se rallie d'emblée à l'appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle et incarne, en Amérique latine, lors de la Seconde Guerre mondiale, l'esprit de la Résistance au moment où, dans son ensemble, l'Action française soutient le maréchal Pétain. Monarchiste, Bernanos rejette la Terreur de 1793, mais se réclame du mouvement révolutionnaire de 1789. Foncièrement anticommuniste, il réprouve les excès du capitalisme. Seule, une vision du monde humaniste spécifique peut rendre compte de ces de l'enfanceGeorges Bernanos naît à Paris, le 20 février 1888, au cœur de la République opportuniste » 1879-1899, qui avait progressivement établi un régime républicain et promulgué une législation anticléricale opposée aux valeurs de l'Ancien régime, monarchiste et catholique, auxquelles adhéraient ses parents. Son ascendance – espagnole et lorraine par son père tapissier-décorateur à Paris, berrichonne par sa mère paysanne – devait exercer sur lui une profonde veut découvrir le secret de sa vocation décrivain doit se pencher sur son enfance, où prennent naissance les sources d'une création littéraire, qui s'est accomplie sur une période relativement brève 1926-1948 J'ignore pour qui j'écris, mais je sais pourquoi j'écris. J'écris pour me justifier. – Aux yeux de qui ? – Je vous l'ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l'enfant que je fus. » Les Enfants humiliés. L'enfance de Bernanos est, en effet, le temps et le lieu d'une expérience privilégiée la prise de conscience de la nécessité de vivre une foi chrétienne authentique. Dispensée par ses parents, puis dans des établissements religieux – à Paris et en province – au cours de ses études secondaires, l'éducation catholique transmet à Bernanos une foi qui ne se réduit en aucune manière au respect traditionnel d'un code moral imposé, mais se révèle, au contraire, être l'adhésion de l'être entier à une personne au Dieu sensible au cœur » de sa vie, dans ses romans inspirés par Balzac, découvert et lu avec passion à l'âge de treize ans comme dans ses essais politiques – où il veut porter témoignage par fidélité à Drumont, dont son père était un fervent lecteur –, Bernanos cherchera à transmettre, par le langage, une expérience de et monarchiste par tradition familiale, il n'est pas homme à séparer la pensée de l'action. Menant de front, à Paris, licence en droit et licence ès lettres, entre 1906 et 1913, il milite activement dans les rangs des camelots du roi de l'Action française, au point d'être arrêté par la police au cours d'une manifestation, et condamné à cinq jours de prison à la Santé, en mars 1909. Réformé pour raison de santé en 1911, il parvient, en août 1914, à se faire admettre au sein du 6e régiment de Dragons, engagé au front. Il est blessé en 1918 et reçoit la Croix de de la Grande Guerre et des souffrances assumées dans les tranchées, Sous le soleil de Satan répond à une volonté de rendre au langage – dénaturé par de multiples formes de mensonges au cours des années de guerre et d'après-guerre – sa vérité, en lui donnant mission d'évoquer la réalité la plus haute et la plus pure à laquelle puisse accéder l'homme la sainteté. Le succès inattendu de ce premier roman, publié en mars 1926, incite Bernanos à abandonner sa profession d'inspecteur [...]1 2 3 4 5 …pour nos abonnés, l’article se compose de 5 pagesÉcrit par docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinémaClassificationLittératuresÉcrivainsÉcrivains européensÉcrivains de langue françaiseÉcrivains françaisAutres références BERNANOS GEORGES 1888-1948 » est également traité dans ČEP JAN 1902-1974Écrit par Milan BURDA • 982 mots Né en 1902 en Moravie dans une famille paysanne pauvre, Jan Čep est un des représentants les plus importants de la littérature spiritualiste tchèque d'inspiration catholique du xx e siècle. Après le baccalauréat, obtenu en 1922, il entre à l'université Charles de Prague, où il étudie le tchèque, l'anglais et le français. Il ne termine pas ses études et, pendant l'année 1926, il collabore à l'acti […] Lire la suiteDIALOGUES DES CARMÉLITES F. PoulencÉcrit par Juliette GARRIGUES • 1 252 mots • 1 média L’ opéra Dialogues des carmélites de Francis Poulenc, en trois actes et douze tableaux reliés par de brefs interludes, connut une genèse singulière. En 1953, le compositeur est en voyage en Italie. Lors d’une rencontre avec le directeur de la maison d’édition italienne Ricordi, Guido Valcarenghi, ce dernier lui suggère d’écrire un opéra sur le thème de la foi et de faire appel à l’écrivain catho […] Lire la suiteDIALOGUES DES CARMÉLITES F. Poulenc, en brefÉcrit par Timothée PICARD • 322 mots Faire du mystère de la grâce et des exigences de la foi un sujet d'opéra, qui plus est un opéra ne faisant entendre majoritairement que des voix féminines n'allait pas de soi ; et pourtant ces Dialogues des carmélites , commandés par la Scala de Milan, ne posèrent de problème ni à Francis Poulenc qui, nullement intimidé par le chef-d'œuvre austère et brûlant de Georges Bernanos, acheva l'ouvrage e […] Lire la suiteSOUS LE SOLEIL DE SATAN, Georges Bernanos - Fiche de lectureÉcrit par Claude-Henry du BORD • 959 mots Dans le sillage de Léon Bloy et de Barbey d'Aurevilly, Georges Bernanos 1888-1948 incarne un autre type d'écrivain engagé le romancier et le pamphlétaire catholique. Son combat s'inscrit plus dans une perspective psychologique, orientée vers le surnaturel, que vers une apologétique partisane. Bien qu'il soit né à Paris, Bernanos, élevé dans le Pas-de-Calais, gardera durant sa vie d'errance un […] Lire la suiteVoir aussiLITTÉRATURE FRANÇAISE XXe et début du XXIe s. les essaisRecevez les offres exclusives Universalis Votre navigateur ne prend pas en charge les tags vidéos. HD VOD Georges Bernanos compte parmi les grandes figures littéraires du 20ème siècle. Témoin engagé dans les grands événements de son temps, il a aussi été un lanceur d’alerte et un visionnaire. Toute sa vie durant, en France, en Espagne ou au Brésil, il combat les totalitarismes, les dérives idéologiques, le capitalisme, la société de consommation, les compromissions des politiques et l’instrumentalisation des peuples. Il le fait en prenant violemment position, sans jamais céder au conformisme. Le petit-fils et le petit-neveu de Bernanos, apportent un éclairage nouveau sur la vie et l’oeuvre de l’écrivain le plus anticonformiste de son temps dont l’intensité des textes résonne encore plus fortement aujourd’hui. Georges Bernanos - littérature - romancier Le DVD 15,00 € Article indisponible Paiement sécurisé Chaque époque a connu ses lanceurs d’alertes politiques ». L’intransigeant Georges Bernanos 1888-1948 fut de ceux-là dont les hauts faits de plume plongèrent dans les plaies de leur temps. Chrétien tourmenté et véritable écrivain de combat, il croisa sans répit le fer contre la bien-pensance bourgeoise, les ploutocraties démocratiques » et les inconséquences de ses contemporains. On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure » écrit Georges Bernanos dans son exil brésilien. Il est alors l’ hôte » du président Getulio Vargas 1882-1954, parfaite incarnation de l’homme fort » sud-américain qui autorise la mise en place des comités de la France libre. Pendant ces heures les plus sombres de notre histoire », l’auteur de Sous le soleil de Satan 1926 et des Grands cimetières sous la lune 1938 entretenait l’esprit de Résistance en une vertigineuse interrogation prophétique sur l’être français, alors abîmé dans les compromissions avec l’occupant. L’ancien disciple de Drumont passé dans le camp des républicains espagnols avait répondu à l’Appel du général de Gaulle et quitté un pays asservi, porté par un inextinguible esprit de révolte, renouant, comme le rappelle François Angelier, avec un ancien et permanent désir d’expatriation qui est un violent besoin de respirer au large, de refonder l’honneur de vivre libre sur une terre vierge ». Au-delà de la barbarie nazie et de l’énigme du Mal, Bernanos ressentait la puissance dévorante d’une autre menace pesant sur l’espèce présumée humaine, portée par un ennemi sans visage, aussi omniprésent qu’omnipotent » l’impérialisme technologique, le technofascisme à l’oeuvre dans la mise à mort industrielle de toutes les guerres modernes », celles que l’on déclare et celles dont la dévastation s’exerce insidieusement dans la parfaite économie de toute annonce, en un sournois processus de déspiritualisation et de dépossession, au moyen de diverses machines à tuer l’esprit avant de broyer les corps. Lanceur d’alerte » avant la lettre et bien avant l’heure, le quêteur d’absolu qui avait fait voeu de liberté inconditionnelle mettait en garde contre cet asservissement machinique de l’humanité et contre l’espèce d’homme formaté par une civilisation des machines » en roue libre La Civilisation des Machines est la civilisation de la quantité opposée à celle de la qualité. Les imbéciles y dominent donc par le nombre, ils y sont le nombre ... Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble ... Le Nombre crée une société à son image, une société d’êtres non pas égaux, mais pareils... » La France contre les robots, ce pamphlet de brûlante inquiétude parcouru d’espérance paraît en 1946, alors que le vieux pays peine à sa difficile reconstruction démocratique. Le Général lui avait proposé un ministère, mais l’ombrageux polémiste refuse honneurs , situations, portefeuilles et prébendes, préférant l’inconfort d’une vocation – il refuse même l’Académie française S’il ne me restait plus que deux fesses pour penser, alors seulement je pourrais m'asseoir à l’Académie ». L’incorruptible doute même de l’intransigeance du Libérateur de la France Si le Général avait été au bout de sa mission historique, il l’aurait relevée la France à coups de trique, mais il n’a pas osé prendre la trique, et d’ailleurs on ne la lui aurait pas laissé prendre, on l’aurait accusé de fascisme » écrivait-il dans une lettre à un proche. Sa confiance, il la garde pour le peuple français, ainsi qu’il l’exprime dans un article, La maladie de la démocratie, paru dans le journal La Bataille Le peuple était seulement à mes yeux, pour la France, ce qu’est la France pour le reste des nations une dernière réserve d’humanité, de substance humaine dans un monde déshumanisé ». Lit-on encore Bernanos dans les chaumières, les pavillons et les palais de la République ? L’explorateur du Bien et du Mal Georges Bernanos naît le 20 février 1888 à Paris, au foyer d’Emile 1854-1927, tapissier décorateur d’origine espagnole et lorraine, et de Clémence Moreau 1855-1930. Il grandit dans la foi catholique de ses parents et leurs convictions monarchistes. Georges étudie le droit à l’Institut catholique de Paris, lit passionnément Balzac 1799-1850, le pamphlétaire antisémite Edouard Drumont 1844-1917 ainsi que les catholiques Ernest Hello 1828-1885 et Léon Bloy 1846-1917 tout en s’activant dans les phalanges juvéniles de Charles Maurras 1868-1952, la Fédération des étudiants d’Action française. Il lui arrive d’apporter des contradictions musclées à des orateurs anarchistes ou républicains - ce qui lui vaut en mars 1909 une détention de dix jours à la prison de la Santé ainsi que l’opportunité de rédiger son premier article. En octobre 1913, Léon Daudet 1867-1942 lui offre la direction d’un hebdomadaire sommeillant, L’Avant-Garde de Normandie. Ainsi, il entre dans le cercle des dames royalistes et fait la connaissance d’une descendante de Jeanne d’Arc, Jeanne Talbert d’Arc 1893-1960, qu’il épouse en 1917. Pendant la Grande Guerre, il est agent de liaison cycliste » dans une brigade de spahis avant de rejoindre l’unité de cavalerie des 6e dragons et de se retrouver enterré, comme mitrailleur, par l’explosion d’un obus. Relevé de son inhumation-éclair », il est désigné l’année suivante pour figurer dans le peloton qui doit fusiller la présumée espionne Mata Hari dans les fossés du château de Vincennes – et se soustrait à cette mission » en soudoyant un autre dragon... Dégoûté par la France de l’après-guerre, celle du défilé de la Victoire » et des marchands de patriotisme tricolore, il fait vivre sa famille tant bien que mal comme inspecteur d’assurances à la compagnie La Nationale... En avril 1923, il est opéré d’urgence d’une perforation intestinale – il cumule ennuis de santé et accidents de moto avec ses blessures de guerre. Il publie son premier roman, Sous le soleil de Satan, inspiré par la figure du Curé d’Ars, chez Plon, dans la collection Le Roseau d’or » créee par Henri Massis et Jacques Maritain qui se donne pour mission de grouper les oeuvres les plus originales et les plus significatives des écrivains qui travaillent au redressement spirituel de notre époque ». Une entrée en littérature saluée comme un coup de tonnerre » - au succès critique s’ajoute le succès commercial, suivi du Prix Femina pour La Joie 1929. Ses romans, peuplés de prêtres et de suicidés, racontent le cheminement tortueux d’âmes en proie à la tentation du néant, toujours à un souffle du salut ou de la damnation... Les Bernanos débarquent à Majorque à la fin de l’été 1934, dans une Espagne républicaine en pleine sécession. Venu prendre du repos et écrire un roman » Le Journal d’un curé de campagne, Prix du roman de l’Académie française en 1936, le catholique monarchiste entre en amitié avec la marquise Juliette de Zayas 1900-1977, impressionnée par la lecture de Sous le soleil de Satan. Son mari, le marquis Alfonso 1896-1970, militaire hors cadre en raison de ses désaccords avec la République » est responsable local de la Phalange. Cette amitié joue un rôle déterminant dans la vision, le rôle et l’engagement des Bernanos sur l’île »... Bernanos et les siens se retrouvent en pleine zone insurrectionnelle lors du déclenchement de la guerre civile – son fils Yves 1919-1958 est membre de la Phalange. Mais les exactions franquistes dont les épurations préventives »... comme le comportement de l’Eglise espagnole le révulsent. Le général Franco 1892-1975 met sa tête à prix et la famille quitte le guêpier baléare fin mars 1937. Dans Les Grands cimetières sous la lune, un pamphlet qu’il qualifie de témoignage d’un homme libre », il écrit Je suis resté à Majorque aussi longtemps que j’ai pu, parce j’y regardais en face les ennemis de mon pays. Cet humble témoignage avait son prix, puisque n’ayant nulle attache avec les rouges de là-bas ou d’ailleurs, connu par tous comme catholique et royaliste, j’affirmais si peu que je vaille, une France éternelle... » Depuis sa demeure brésilienne de Barbacena, sise au creux de la colline Cruz des almas la Croix-des-Ames », l’ancien Camelot du roi soutient cette France libre et rêvée par son talent de journaliste polémiste pendant que ses fils Yves et Michel 1923-1954 rejoignent le Général à Londres. En février 1942, il reçoit un autre exilé de marque, l’écrivain Stéfan Zweig 1881-1942 dont il apprend le suicide dans sa villa de Pétropolis quatre jours après –il aurait voulu le garder quelques jours pour rédiger un appel à la conscience universelle contre la barbarie nazie Il est train de mourir » dit-il alors à un témoin... L’amateur averti de sports mécaniques consacre les dernières années de sa vie à sa grande préoccupation la déspiritualisation de l’homme coïncidant avec l’envahissement de la civilisation par les machines et l’état technique divinisé ». Pour lui, la science a fourni les machines, la spéculation les a prostitués et elle en demande toujours plus à la science pour les besoins d’une entreprise qu’elle veut étendre à toute la terre ». Sa vision de l’avenir ? Obéissance et irresponsabilité, voilà les deux mots magiques qui ouvriront demain le Paradis de la Civilisation des machines ». La guerre contre l’humanité ne s’arrête pas avec le silence des armes, ainsi que le rappelle François Angelier Cette dernière a changé de formes et d’enjeu délaissant le canon, elle emprunte les voies sournoises de la propagande ou le masque souriant du confort technologique délaissant les prétextes idéologiques, elle devient l’offensive incessante de l’invasion technologique, anonyme, planétaire et polymorphe ». Le 5 juillet 1948 à Neuilly-sur-Seine, Bernanos rend à la terre son corps de souffrance », à l’image du curé d’Ars, unissant dans ses derniers mots Jeanne, Jeanne, à nous deux » son épouse et sa principale figure de dévotion ». Dans le Journal d’un curé de campagne 1936, il décrivait l’agonie d’un prêtre rongé par un cancer de l’estomac qui s’éteint en murmurant Qu’est-ce que cela fait ? Tout est grâce ». Et relire Bernanos, ce serait quoi ? Une grâce à s’offrir comme un baume sur une plaie purulente ou une brûlure insoutenable ? Producteur de l’émission Mauvais Genres » et collaborateur du Monde des Livres, François Angelier fait partager un peu de cette grâce-là en faisant revivre ce franc-tireur d’une foi ardente mise en actes alors que l'espèce présumée humaine consomme sa "dématérialisation" en "flux" sans finalité. . François Angelier, Georges Bernanos – La colère et la grâce, Seuil, 640 p., 25 €

bernanos histoire d un homme libre